Qui ne sait jamais senti « distrait » pendant ces longs moments de présentation de chiffres qu’on intitule le reporting ? 2009 et 2010 ont enregistré, dans les entreprises, une inflation d’indicateurs, comme si la crise était la résultante d’une mauvaise mesure de la réalité et qu’il fallait en créer davantage. La gestion des indicateurs peut représenter jusqu’à 10% du temps management.
Un exemple pas si extrême que cela
Prenons l’exemple de ce directeur d’usine. Il réalise 5 reporting par mois. Deux en direction de chacune des lignes de produit présentes dans son site. Un vers sa direction fonctionnelle à savoir la direction des opérations, un vers la direction France, un vers sa direction de zone géographique, pour lui l’Europe du Sud. 5 reporting, 5 formats, 5 versions d’indicateurs, presque 5 réunions…sans compter les demandes complémentaires de toutes parts qui alimentent le management tout au long de l’année.
La réalité est que ce directeur d’usine n’utilise que 30% des indicateurs créés vis-à-vis de son propre management. Il consomme un temps assez sensible vis-à-vis de sa hiérarchie pour une valeur ajoutée, à son niveau, faible.
Nouvelle politique, nouveaux indicateurs.
Sans juger de leur pertinence, constatons que le lancement des nouvelles politiques, depuis quelques années s’est accompagné de la création d’indicateurs. A titre d’exemples : l’apparition des grands comptes en commerce qui crée des directions fonctionnelles demandeuses de chiffres, la gestion des risques dans les assurances, les nouvelles approches Lean dans l’industriel, la politique de la diversité dans les ressources humaines…Par ailleurs, quelle entreprise n’a pas connu de changement d’organisation ? Et tout changement crée une inflation de mesures sans forcément remettre en cause les anciennes. Enfin la crise a renforcé sensiblement le contrôle dans certains domaines tels que la gestion de trésorerie à travers des indicateurs de risques de contrepartie, les achats avec le reporting fournisseur…
Le paradoxe du contrôle
Le leader pris par ses obligations de toutes natures vis-à-vis des ses stakeholders, a de moins en moins de temps pour ses collaborateurs. Il est obligé de faire confiance aux indicateurs pour manager son activité. Le temps du contact informel, des échanges avec des n-2 ou n-3 qui nourrissent tant la réflexion que l’intuition et la connaissance de la réalité se réduit comme une peau de chagrin. Le « patron » on ne le voit plus, même son assistante pourra vous dire : « cette semaine, il est totalement absent. »
Oui, un leader consacre de moins en moins de temps à ses équipes.
Certes, ses compétences se sont élargies. Il participe de plus en plus à des groupes de travail dans les arcanes du siége, participe aux réunions avec les clients clés….
Mais cela est porteur de risques.
– Le contrôle par indicateurs n’a jamais eu pour vocation de permettre de piloter l’ensemble d’une activité or la contrainte temps reporte sur les indicateurs la source principale du contrôle.
– Le poids croissant du contrôle quantitatif formel masque l’importance de la connaissance qualitative et limite les échanges informels.
– Le poids du contrôle quantitatif auto justifie le manque de temps consacré au qualitatif.
– Les indicateurs portent principalement sur les objectifs de résultats. Ceux sur les objectifs de moyens sont beaucoup moins mesurés or ils participent à une compréhension plus fine de la réalité et par conséquent à l’efficacité du management.
Le paradoxe du temps et le DRH
Le leader est jugé sur les résultats actuels même si la politique engagée l’a été par son prédécesseur. Trop d’organisations font l’impasse sur le constat simple que pour se traduire en résultats, l’action peut prendre du temps surtout « quand les financiers sont trop pressés. » (1) Combien de chefs de projets, ont été évincés juste après quelques mois de responsabilité dans la gestion de projets en crise. Ils sont ainsi récompensés ou sanctionnés pour d’autres ! Le DRH doit suffisamment investiguer les causes d’une réussite ou d’un échec. Quels sont les faits et les responsabilités ? Pour jouer son rôle de leader, le DRH a bien sûr de solides compétences business et organisationnelles. Il ne se fie pas uniquement aux chiffres pour défendre efficacement ses analyses. Il sait faire la part des choses pour assurer l’équité en faisant la différence entre les objectifs de résultats et les qualités exprimées du leader.
(1) Interview de Cathy Kopp, revue Ressources Humaines et Management, n°36, janvier 2010, page 12.