Le leader et la solitude

Hervé Saint-Aubert, Rh&M

Tweet about this on TwitterShare on FacebookShare on LinkedIn

Le leader n’est jamais seul, ses interactions sont multiples. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne se sente pas isolé. Pour certains théoriciens, la solitude est l’essence même du leadership. Peut être… il n’en demeure pas moins que cette solitude est parfois pesante.

Comme tout à chacun le leader a besoin d’échanger, de confronter des idées, de tester ses décisions.

Deux thèses s’affrontent. Pour les tenants de la première, le leader manque de solitude, c’est à dire de temps pour lui, pour sa réflexion, sa capacité à se projeter et à définir la vision, capitaliser sur son expérience, favoriser la distanciation…

L’une des raisons : la « socialisation » extrême de son rôle, son temps ne lui appartient plus. Ainsi l’entreprise manquerait de penseurs. Pour d’autres, le leader est trop seul. Il n’a plus le temps de partager et de tester réellement ses idées, ses doutes et ses options. La vitesse d’exécution, la focalisation sur le court terme, les enjeux de pouvoir, la nécessaire confidentialité de certains sujets ne facilitent pas les échanges. A qui se confier ? Qui en a le temps et la motivation ? Qui est capable de s’intéresser sincèrement au sujet ? L’entreprise manquerait de partenaires d’échange.

Le leader apprécie l’autonomie, quid de la solitude ?

Le temps consacré au management est inférieur à 20% voire moins. Ce chiffre, valable il y a déjà quelques années pour les dirigeants, se vérifie de plus en plus pour les autres niveaux de management. Le leader est absorbé par ses parties prenantes, impliqué dans les projets, les travaux transversaux, sollicité dans les relations clients…

Le leader a de moins en moins d’interactions avec sa hiérarchie et consacre moins de temps à ses propres collaborateurs.

Il est de plus en plus autonome même si le cadre de l’action est précis. Cette autonomie est pour lui une source forte de motivation. Qu’on la réduise et il exprimera son insatisfaction.
En parallèle, l’exigence de résultats, la gestion de crises, le management des changements et des transformations nécessitent un minimum d’interactions avec sa hiérarchie. S’il ne les a pas, le leader ressentira de la solitude. Quel complément sur mon analyse ? Comment approfondir ma compréhension de telle décision de changement ? Comment gérer tel paradoxe ? Comment bien communiquer sur les enjeux ? Il n’y a pas que les dirigeants qui ressentent la solitude. Elle s’observe à tous les niveaux. Elle provoque des inquiétudes, du stress, du découragement jusqu’à parfois de la démotivation… Comme le manque d’autonomie !

Le point de vue organisationnel.

La théorie des organisations décrit des environnements différents. Une première approche observe que l’action du leader est de plus en plus encadrée par les process. Ils définissent son champ d’action doublé de systèmes de contrôle précis. Cette approche ne considère pas le leader comme un penseur stratégique mais comme un vecteur de la mise en oeuvre de la politique. Ses marges de manœuvre sont étroites dans un environnement assez prévisible. Il n’a, à priori, pas à souffrir de solitude. Il est interchangeable. Une autre approche considère que l’organisation doit favoriser l’initiative et l’innovation. La structure est décentralisée, constituée d’entités relativement indépendantes, agissant dans un cadre global. Le leader a un esprit entrepreneur. C’est à la fois une personne de réflexion, capable de se projeter, et d’action dans un environnement plus incertain. Il fait preuve d’autonomie et en même temps le risque de solitude est plus sensible.

La solitude de l’intuition : Quel style de management adopté ?

Prenons un exemple concret de questionnement d’un leader sur son style de management. « Quand on m’a présenté ce sujet, je savais que cela ne pouvait pas marcher. » « Quand je leur ai dit, ils étaient tellement sûrs de leur proposition que je n’avais pas les arguments contre. » « Ils ne m’ont pas écouté » «  Fallait-il que je sois directif quitte à les démotiver ? Ou fallait-il qu’ils fassent leur expérience ? » « Comment dois-je faire ? » Nous avons un exemple de solitude « opérationnelle. »
Pourquoi ces questions ? Le leader a le recul et l’expérience. Il est plus attentif à certaines informations. Il construit un diagnostic plus distancié sans avoir pour autant tous les arguments explicatifs de son intuition. Les collaborateurs sont juges et parties, en principe experts mais sans forcément voir tous les tenants et les aboutissants. Peuvent-ils se déjuger face à leur leader ? Ce cas, classique en coaching, démontre la nécessité de l’échange et de la confrontation des idées. Mais avec qui ? C’est un des rôles du coach que d’être le partenaire d’échange sur des sujets opérationnels. Mais l’entreprise ne peut pas doubler son management de consultants externes !

La réponse des ressources humaines

Les ressources humaines constatent la demande d’échange et d’écoute attentive des leaders, en particulier dans les périodes de changement. La condition : que les RH possèdent une culture business et organisationnelle suffisante. Ils peuvent alors jouer de plus en plus cette fonction de partenaire d’échange sur un grand nombre de sujets. Cela va au-delà de l’acception première de business partner.

Tweet about this on TwitterShare on FacebookShare on LinkedIn